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L'article 921 du Code civil en son alinéa 2, issu de la loi n° 2006-728 du 23 juin 2006, met en place un double délai pour agir en réduction à l'encontre des libéralités ordinaires qui portent atteinte à la réserve héréditaire :
« Le délai de prescription de l'action en réduction est fixé à cinq ans à compter de l'ouverture de la succession, ou à deux ans à compter du jour où les héritiers ont eu connaissance de l'atteinte portée à leur réserve, sans jamais pouvoir excéder dix ans à compter du décès. »
Cette disposition avait pu faire l'objet de plusieurs interprétations et notamment, il avait pu être proposé d'interpréter la règle comme faisant une distinction selon que l'héritier réservataire avait connaissance ou non de l'atteinte portée à sa réserve : soit il n'était pas possible de déterminer avec certitude le jour où le réservataire avait connu l'atteinte à sa réserve et le délai était alors de cinq ans à compter du décès ; soit au contraire, il était possible de préciser cette date et le réservataire disposait alors d'un délai de deux ans à compter de celle-ci, sans pouvoir dépasser dix ans à compter du décès.
Le Cridon de Paris ne faisait pas application de cette théorie et considérait qu'il résultait des travaux préparatoires que le délai de prescription de l'action en réduction était de cinq ans à compter du décès et que ce n'était que dans l'éventualité d'une découverte postérieure de l'atteinte portée à la réserve que l'héritier pouvait alors disposer de deux nouvelles années pour agir en réduction à partir du jour où il avait eu connaissance de cette atteinte, sans toutefois pouvoir dépasser dix ans à compter du décès.
Cette position était déjà retenue par de nombreuses cours d'appel .
La Cour de cassation est venue trancher cette difficulté et confirme la position qui avait été retenue par le Cridon de Paris (v. Question-réponse n° 872550), en précisant dans l'arrêt rendu le 7 février 2024 (pourvoi n° 22-13.665) l'articulation de ce double délai :
« […] 7. Il résulte de ce texte que, pour être recevable, l'action en réduction doit être intentée dans les cinq ans à compter du décès ou, au-delà, jusqu'à dix ans après le décès à condition d'être exercée dans les deux ans qui ont suivi la découverte de l'atteinte à la réserve.
8. Le moyen, qui, en soutenant que ces dispositions imposent, dans tous les cas, que le demandeur agisse dans les deux ans du jour où il a découvert l'atteinte à la réserve, postule le contraire, n'est donc pas fondé ».
Le délai de principe, et donc minimal, de l'action en réduction est, selon un principe général s'appliquant à n'importe quel héritier, de cinq ans à compter de l'ouverture de la succession et, en cas de méconnaissance de l'acte ou de l'événement qui porterait atteinte à leur réserve, le législateur leur donne un délai supplémentaire de deux ans à compter de cette découverte si jamais elle a lieu après l'expiration du délai de cinq ans.
Néanmoins, un garde-fou est posé par le texte qui instaure un délai maximal de dix ans aux fins de sécurité juridique.
Le délai de deux ans a pour finalité de permettre aux héritiers réservataires d'engager une action en réduction en cas de découverte tardive de l'atteinte et il n'a pas vocation à se substituer au délai quinquennal.
D'ailleurs, une autre interprétation viderait le texte d'une partie de son sens et de sa substance : si une prescription de deux ans devait s'imposer à tout héritier réservataire à compter du moment où il découvre l'atteinte à la réserve, la référence dans l'article 921 à une prescription quinquennale serait dénuée de tout sens. Le législateur aurait alors pu prévoir que le délai de prescription de l'action en réduction est fixé à deux ans à compter du jour où les héritiers ont eu connaissance de l'atteinte portée à leur réserve, sans jamais pouvoir excéder dix ans à compter du décès.
En tout état de cause, dans le cadre de son devoir de conseil et d'information renforcé au titre de l'article 921, alinéa 3 du Code civil, le notaire attirera l'attention de ses clients sur ce double délai glissant.
Étant précisé que ce double délai ne bénéficie pas, en revanche, aux libéralités-partages, pour lesquelles l'action en réduction se prescrit par cinq ans à compter du décès, sauf report au décès du survivant des donateurs en cas de partage anticipé conjonctif (C. civ., art. 1077-2, al. 2).
L'étude notariale Victor Hugo de Maître Bertrand Desbrueres et Maître Xavier Umpierrez-Suarez Notaires Associés, situé à Dieppe et intervenant dans toute la Seine-Maritime, offre un accompagnement juridique et personnalisé dans tous les aspects du droit de la famille. Que ce soit pour une donation, un Pacs, un contrat de mariage, un divorce, ou encore pour la gestion d'une succession, notre équipe est là pour vous guider. Nous intervenons sur Dieppe, Le Tréport, Yvetot, Luneray, Rouen, Petit-Caux, assurant des conseils et des services de proximités et de confiances.